Changer de résidence fiscale : opportunité ou piège ?

Changer de résidence fiscale séduit de nombreux freelances fortunés et dirigeants de PME/ETI en quête d’une fiscalité allégée. En effet, s’établir dans un pays à fiscalité avantageuse peut fortement réduire l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune ou les taxes sur les plus-values. Toutefois, cette stratégie comporte de grands risques si elle est mal préparée.

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Burj Al-Arab, Dubai
Burj Al-Arab, Dubai

Changer de résidence fiscale séduit de nombreux freelances fortunés et dirigeants de PME/ETI en quête d’une fiscalité allégée. En effet, s’établir dans un pays à fiscalité avantageuse peut fortement réduire l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune ou les taxes sur les plus-values. Toutefois, cette stratégie comporte de grands risques si elle est mal préparée. Le fisc français veille au grain et n’hésite pas à requalifier en résident de France un contribuable parti à l’étranger qui n’a pas réellement coupé ses liens avec la France. Le présent dossier, à l’attention d’une clientèle fortunée, propose un tour d’horizon clair et structuré du cadre juridique, des contrôles fiscaux, des erreurs à éviter, des sanctions encourues et des bonnes pratiques pour réussir son expatriation fiscale. Des exemples concrets illustrent comment une expatriation mal exécutée peut tourner au piège, tandis qu’une planification rigoureuse en fait une opportunité viable.

Cadre juridique français du changement de résidence fiscale

En France, la résidence fiscale d’une personne physique est déterminée par l’article 4 B du Code général des impôts (CGI). Trois critères alternatifs sont prévus : si l’un d’eux est rempli, vous êtes considéré comme domicilié fiscalement en France. Ces critères sont :

  • Foyer ou séjour principal en France : c’est le lieu où la personne habite habituellement et où réside sa famille. La jurisprudence accorde un poids prépondérant à ce critère familial. En pratique, si votre conjoint et vos enfants demeurent en France, le fisc estimera que votre foyer y reste ancré, même si vous séjournez souvent à l’étranger.

  • Activité professionnelle principale en France : c’est le cas si vous exercez en France votre occupation rémunératrice principale (salariée ou indépendante). Pour un chef d’entreprise, le lieu où il dirige effectivement ses affaires l’emporte sur le lieu d’immatriculation de la société. Autrement dit, piloter sa PME française à distance depuis l’étranger ne suffit pas : si les décisions clés sont prises en France, le critère est rempli.

  • Centre des intérêts économiques en France : c’est le lieu de vos principaux investissements, de vos affaires et sources de revenus. Par exemple, si l’essentiel de vos revenus provient d’entreprises ou immeubles situés en France, ou que vos comptes bancaires et placements sont majoritairement en France, vous pourriez être considéré comme résident fiscal français. Ce critère est plus flou et requiert une analyse globale de la situation patrimoniale.

Attention : ces trois critères sont examinés de manière alternative. Il suffit qu’un seul soit rempli pour que l’administration continue de vous considérer résident fiscal de France, même si vous avez officiellement transféré votre domicile à l’étranger. Par exemple, un expatrié qui passe plus de la moitié de l’année hors de France mais qui y conserve sa famille ou son entreprise pourra rester imposable en France.

En cas de conflit de résidence entre la France et un autre pays (par exemple si un pays d’accueil considère également la personne comme résidente fiscale selon ses propres critères), les conventions fiscales bilatérales jouent un rôle décisif. La France a signé plus de 125 conventions visant à éliminer les doubles impositions. Ces traités prévoient des règles de « tie-breaker » pour trancher la résidence fiscale effective : généralement en considérant le foyer permanent, le centre des intérêts vitaux (personnels et économiques), le lieu de séjour habituel, puis la nationalité. Ainsi, si vous êtes simultanément résident selon la loi française et la loi d’un pays partenaire, la convention fiscale déterminera un seul État de résidence fiscale afin d’éviter une double imposition. Il est crucial d’étudier la convention entre la France et votre pays de destination avant de s’expatrier, chaque traité pouvant avoir ses particularités.

Enfin, notez que la loi de finances pour 2025 a apporté une précision importante : désormais, si une convention fiscale désigne un expatrié comme résident de l’autre État, alors il ne sera plus considéré comme résident fiscal français même s’il remplirait un critère interne du CGI. Ce changement vise notamment le cas des Français installés dans des pays sans impôt sur le revenu (par exemple les Émirats arabes unis) : jusqu’ici, la convention franco-émirienne permettait à la France de les imposer quand même sur l’ensemble de leurs revenus mondiaux. Désormais, l’alignement du droit interne sur les conventions clarifie que si le traité vous reconnaît résident de Dubaï, la France s’inclinera, sous réserve bien sûr que l’expatriation soit réelle et non une fiction. En pratique, cette évolution ne dispense pas l’expatrié de respecter scrupuleusement les critères de résidence : elle vise surtout à éliminer certaines ambiguïtés juridiques.

En résumé, il est parfaitement légal de transférer sa résidence fiscale à l’étranger, mais le cadre juridique français impose une rupture réelle des attaches avec la France pour cesser d’y être imposable. Il faut non seulement franchir la barre des 183 jours hors de France, mais surtout déplacer le centre de sa vie familiale et économique. A défaut, le fisc considérera que votre domicile fiscal reste en France, avec toutes les obligations déclaratives et de paiement que cela implique.

Dispositifs de contrôle de l’administration fiscale française

Consciente des abus potentiels, l’administration fiscale française a fortement renforcé ses outils de détection et de contrôle des faux exils. La Direction générale des Finances publiques (DGFiP) dispose aujourd’hui de systèmes informatiques sophistiqués qui analysent de vastes ensembles de données à la recherche d’incohérences révélatrices de domiciles fiscaux fictifs. En particulier, depuis 2017, la France participe à l’échange automatique d’informations financières entre plus de 100 pays (norme CRS de l’OCDE). Grâce à cela, le fisc français reçoit chaque année des informations sur les comptes bancaires détenus à l’étranger par des contribuables français. L’ère du secret bancaire étant révolue, il est devenu très difficile de cacher des avoirs hors de France.

En cas de soupçon, l’administration peut déclencher un examen de situation fiscale personnelle (ESFP) pour un particulier (ou une vérification de comptabilité pour une entreprise). Les enquêteurs vont alors reconstituer le mode de vie du contribuable : analyse des flux financiers et relevés bancaires, des factures de téléphone mobile, des contrats d’assurance, abonnements (ex. Netflix, salles de sport) etc. L’objectif est de vérifier où la personne vit réellement au quotidien. Par exemple, des factures d'électricité ou de gaz faibles sur un logement à l’étranger mais élevées en France pourraient indiquer que la résidence déclarée à l’étranger n’est pas effectivement occupée. De même, les relevés de cartes bancaires sont examinés pour voir dans quel pays les dépenses sont faites. Les données de déplacement (billets d’avion, passages de péage autoroutier…) sont épluchées pour estimer le nombre de jours passés en France. Même les réseaux sociaux sont surveillés : des publications Instagram ou Facebook montrant une présence fréquente en France pourraient trahir un faux expatrié. Enfin, les enquêteurs recoupent divers fichiers (assurance maladie, scolarisation des enfants, etc.) pour déceler les indices d’une vie restée française.

Pour les dossiers les plus complexes impliquant de forts enjeux, la France dispose de la Brigade Nationale de Répression de la Délinquance Fiscale (BNRDF), unité mixte créée en 2010. Composée d’inspecteurs des impôts et d’officiers de police judiciaire, la BNRDF peut mener de véritables enquêtes (perquisitions, saisies de documents, auditions…) en cas de fraude fiscale aggravée. Depuis 2018, le Service d’Enquêtes Judiciaires des Finances (SEJF) centralise aussi les investigations fiscales et douanières sous l’autorité du procureur. Ces moyens dignes d’une police financière montrent la détermination de l’État à traquer les faux exils fiscaux.

Il est à noter que les tribunaux valident largement ces méthodes de contrôle, y compris l’usage d’éléments de la vie privée, dès lors qu’ils sont obtenus légalement. En clair, le fisc a le droit de s’intéresser à vos relevés de consommation électrique, à vos géolocalisations de carte bancaire ou à vos photos sur les réseaux, si cela permet d’établir la réalité (ou non) de votre départ de France.

Illustration concrète : de nombreux influenceurs et entrepreneurs du web partis s’installer à Dubaï sont dans le collimateur du fisc. Attirés par l’absence d’impôt sur le revenu aux Émirats, ils ont parfois négligé leurs obligations françaises. L’administration examine alors leurs dépenses bancaires et leurs publications en ligne pour vérifier qu’ils ne continuent pas à passer une partie de l’année en France. Ce type de contrôle ciblé, autrefois rare, est désormais systématisé pour les contribuables fortunés qui déclarent leur exil fiscal. Le message est clair : une expatriation fiscale doit être totale et cohérente, sous peine d’être découverte tôt ou tard.

Principales erreurs commises par les expatriés fiscaux

Plusieurs erreurs classiques expliquent les requalifications en résidence française. En voici les plus fréquentes :

  • Ne pas passer suffisamment de temps à l’étranger.

    Beaucoup pensent qu’il suffit de séjourner 183 jours hors de France par an pour être tranquilles. Or, si vous passez près de 6 mois en France (même 4 ou 5 mois), cela peut suffire à établir un « lieu de séjour habituel » en France, surtout si aucun autre pays ne vous accueille durablement. Dans un cas récent, un contribuable s’était déclaré résident portugais mais ne passait en réalité que deux mois par an au Portugal : le reste du temps, il résidait en France, ce qui a conduit à le requalifier résident de France malgré son statut RNH au Portugal.

    Retenez : il faut idéalement que le pays d’accueil devienne le lieu où vous passez la majeure partie de l’année.

  • Conserver un foyer ou des attaches familiales en France.

    C’est l’erreur numéro 1. Si votre conjoint(e) et vos enfants demeurent en France, le fisc considérera que votre foyer fiscal reste en France. De même, laisser sa résidence principale inoccupée en France (plutôt que de la vendre ou la louer) est risqué : en cas de contrôle, la présence d’un logement disponible suggère que vous pourriez y vivre. La scolarisation des enfants en France, l’adhésion à des clubs ou associations locales, etc., sont autant de liens personnels qu’il faut rompre ou minimiser lors d’une expatriation fiscale.

  • Garder le centre de ses intérêts économiques en France.

    C’est une erreur fréquente chez les entrepreneurs. Par exemple, un dirigeant qui transfère sa résidence à Monaco mais continue de tirer l’essentiel de ses revenus de sa société française, ou qui conserve l’essentiel de son patrimoine investi en France, maintient ses intérêts économiques en France. Ce fut précisément le cas d’un chef d’entreprise prétendument expatrié à Monaco : son épouse et ses enfants vivaient à Paris et la majorité de ses revenus provenaient de France, ce qui a suffi à établir sa domiciliation fiscale en France malgré une carte de résident monégasque. Il faut donc veiller à déplacer également son « portefeuille » de revenus et d’actifs à l’étranger (par exemple en investissant dans le pays d’accueil, en y créant son entreprise, etc.).

  • Créer une installation artificielle sans substance à l’étranger.

    Le fisc français traque les domiciliations fictives, c’est-à-dire les montages où l’on affiche une adresse à l’étranger mais sans y exercer d’activité réelle. Une société-écran à l’étranger sans employés ni locaux, mise en place uniquement pour justifier des revenus à l’étranger, est un indice flagrant d’évasion fiscale. La Cour de cassation a d’ailleurs condamné pénalement un contribuable qui avait constitué une société au Luxembourg dépourvue de substance économique, dans le seul but de prétendre travailler à l’étranger : cette construction a prouvé l’intention frauduleuse. De même, louer un simple boîte aux lettres ou garder un pied-à-terre à Dubaï sans y vivre ne trompera personne. L’absence de substance économique et personnelle dans le pays d’accueil (emploi réel, participation à la vie locale, dépenses sur place) est rédhibitoire.

  • Négliger les obligations déclaratives liées au départ. Une erreur plus technique mais aux conséquences graves consiste à ne pas informer correctement le fisc de son départ. Il est impératif de déclarer votre changement d’adresse au centre des impôts, de souscrire une dernière déclaration de revenus en France en cochant la case « départ à l’étranger », et de déclarer (le cas échéant) la plus-value latente sur vos participations importantes (mécanisme de l’exit tax). Certes, l’exit tax a été largement assouplie depuis 2019 (son paiement est différé et annulé si vous conservez vos titres plus de 2 à 5 ans selon les cas), mais il faut tout de même déposer le formulaire dédié si vous détenez plus de €800 000 de titres ou plus de 50% d’une société française. Omettre ces formalités peut être interprété comme une volonté de dissimulation.

En somme, la fausse bonne idée consiste à partir s’installer fiscalement ailleurs tout en continuant sa vie « comme avant » en France. Ce double jeu est généralement intenable à moyen terme. L’administration recherche un faisceau d’indices cohérent : si la plupart des éléments de votre vie restent en France (famille, biens, intérêts économiques), le simple fait d’avoir un passeport de tel pays ou un bail à l’étranger ne suffira pas. C’est pourquoi de nombreux expatriés fiscaux imprudents se font rattraper par le fisc dans les années qui suivent leur départ.

Sanctions encourues en cas de requalification

Que se passe-t-il si, malgré votre départ affiché, le fisc requalifie votre résidence fiscale en France ? Les conséquences peuvent être financièrement désastreuses et pénalement très lourdes :

  • Rappel d’impôts et arriérés sur plusieurs années : L’administration fiscale va vous réclamer les impôts que vous auriez dû payer en France sur l’ensemble de vos revenus mondiaux, pour toutes les années où elle estime que vous étiez encore résident français. Cela inclut potentiellement l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) si applicable, etc. Par exemple, si vous étiez parti 3 ans, attendez-vous à une imposition rétroactive sur ces 3 années comme si vous n’étiez jamais parti. En sus, des intérêts de retard de 0,20% par mois (soit 2,4% par an) s’appliquent sur les sommes dues.

  • Pénalités fiscales et majorations : Le Code général des impôts prévoit des majorations en fonction de la gravité de la situation. Si le contribuable de bonne foi régularise après coup, la pénalité de base est de 10%. Mais en cas de manquement délibéré (mauvaise foi avérée), c’est 40% de majoration qui s’ajoutent aux impôts dus. Et si le fisc démontre une manœuvre frauduleuse ou un abus de droit, la majoration grimpe à 80% du montant éludér. Or, le fait de mettre en place une domiciliation fictive à l’étranger dans le but principal d’éluder l’impôt français peut constituer un abus de droit fiscal. À noter que depuis 2020, une procédure spéciale permet même de sanctionner les montages abusifs dont le motif principal est fiscal (clause générale anti-abus – art. L64 A du LPF). Autrement dit, une expatriation « pour les impôts » et sans substance réelle peut tomber sous le coup de cette lourde pénalité de 80%.

  • Poursuites pénales pour fraude fiscale : En plus des rattrapages d’impôts et pénalités civiles, l’administration peut déposer plainte pour fraude fiscale, notamment si elle décèle une intention frauduleuse claire (dissimulation volontaire de revenus, montage offshore artificiel, fausse domiciliation…). La fraude fiscale simple est un délit passible de 5 ans d’emprisonnement et €500 000 d’amende. Et ce n’est pas tout : certaines circonstances aggravantes portent la peine à 7 ans de prison et €3 000 000 d’amende. Parmi ces circonstances aggravantes figure justement la domiciliation fictive à l’étranger. Ainsi, monter de toutes pièces un faux scénario d’expatriation peut, dans les cas extrêmes, vous conduire devant un tribunal correctionnel. Les sanctions pénales s’accompagnent éventuellement de peines complémentaires (privation des droits civiques, interdiction d’exercer une fonction publique, etc.). Même si les peines maximales sont rares, on a vu récemment la Cour de cassation confirmer la condamnation pénale d’un contribuable qui avait simulé un exil au Luxembourg pour fraude fiscale.

  • Autres conséquences : Une fois requalifié résident français, vous perdez bien sûr le bénéfice de toute convention fiscale qui vous était favorable – par exemple, si vous aviez bénéficié d’une imposition allégée à l’étranger, la France ne le reconnaîtra pas. De plus, le fisc français pourra communiquer avec le fisc local du pays d’accueil pour signaler la situation (via les échanges internationaux), ce qui peut entraîner des complications administratives dans ce pays aussi. Sans oublier l’impact réputationnel et professionnel d’une affaire de fraude fiscale avérée, qui peut entacher l’image d’un dirigeant.

En somme, une expatriation fiscale ratée peut coûter bien plus cher que les impôts qu’on cherchait à économiser. Le contribuable requalifié devra non seulement s’acquitter de l’impôt dû en France comme s’il n’était jamais parti, mais aussi payer des pénalités salées, et éventuellement affronter la justice pénale. Il convient donc d’évaluer le rapport risque/bénéfice : le jeu n’en vaut clairement pas la chandelle si l’expatriation n’est pas solidement justifiée et préparée.

Exemples concrets de requalification

De nombreux contentieux fiscaux illustrent la sévérité croissante de l’administration et des juges face aux exils fiscaux fictifs. Voici quelques cas marquants tirés de décisions récentes ou de situations médiatisées :

  • Fausse résidence monégasque : Un dirigeant d’entreprise prétendait avoir déménagé sa résidence à Monaco pour échapper à l’impôt français. Or, l’enquête a montré que son épouse et ses enfants continuaient de vivre en France et que ses comptes bancaires principaux restaient domiciliés en France, tout comme la source de la majorité de ses revenus. Le Conseil d’État a jugé que ces éléments suffisaient à établir le centre des intérêts familiaux et économiques en France, malgré la possession d’une carte de résident monégasque. Ce contribuable a donc été traité comme résident fiscal français. Cet exemple illustre qu’une simple adresse à Monaco ne protège pas si la vie de la personne demeure en France.

  • Expatriation en Suisse : Un entrepreneur avait officialisé sa résidence à Genève, en Suisse, tout en conservant d’importants intérêts en France. Ses enfants étaient scolarisés en France et son épouse y résidait également, et lui-même revenait fréquemment sur le territoire. Les juges ont considéré que son foyer était resté en France. L’existence d’une adresse en Suisse et même d’une domiciliation fiscale suisse n’a pas suffi face à la permanence de sa vie familiale en France. Là encore, le critère du foyer (situation familiale) l’a emporté, entraînant un redressement fiscal conséquent.

  • Société offshore sans substance : Un chef d’entreprise avait créé une société au Luxembourg et prétendait que ses revenus y étaient localisés. Cependant, l’entreprise luxembourgeoise n’avait aucune substance économique réelle : pas de véritable activité ni d’employés, elle ne servait qu’à facturer artificiellement des services pour déplacer les bénéfices. La Cour de cassation a confirmé la condamnation pénale de ce dirigeant pour fraude fiscale liée à une domiciliation fictive à l’étranger. Ce cas montre que le stratagème du montage offshore bidon est désormais vivement sanctionné, y compris pénalement.

  • Résident portugais non habituel : Un contribuable avait bénéficié du régime portugais des résidents non habituels (RNH), très en vogue chez les expatriés français. Il avait acheté un bien au Portugal et obtenu un numéro fiscal portugais, pensant remplir les conditions. Mais l’administration française a établi qu’il ne séjournait que quelques semaines par an au Portugal (moins de 2 mois) tandis que sa famille continuait à vivre en France et qu’il y maintenait son activité professionnelle principale. La cour a donc confirmé le redressement : malgré le statut RNH, cet individu restait résident de France du fait du centre de vie resté français. C’est un signal fort : le régime de faveur d’un pays étranger ne met pas à l’abri si on n’y vit pas vraiment.

  • Influenceurs et entrepreneurs du web : Ces dernières années, la presse a rapporté plusieurs cas d’influenceurs français partis à Dubaï ou à Malte pour échapper à l’impôt, qui ont reçu des propositions de rectification du fisc français. Sans citer de noms, des contrôles ont révélé que certains continuaient à passer de longs séjours en France et y gardaient des intérêts (sociétés, biens immobiliers). L’administration s’est appuyée sur les réseaux sociaux et d’autres indices pour reconstituer leur calendrier de présence. Ces influenceurs pensaient que 183 jours à l’étranger suffisaient, mais avaient ignoré les autres critères. Résultat : rappel d’impôt et parfois redressement médiatisé, entachant leur image publique. Cet exemple montre que même des professions nouvelles, très mobiles, ne sont pas hors d’atteinte du fisc.

En synthèse, ces exemples variés (dirigeants de société, travailleur indépendant, influenceur) soulignent tous le même écueil : un départ mal ficelé, où l’on laisse trop d’attaches en France, aboutit tôt ou tard à une requalification fiscale. Les tribunaux privilégient la réalité des faits sur les apparences juridiques. Si le fond indique que vous avez gardé en France le cœur de vos intérêts, aucun montage ne tiendra devant un juge. Il vaut bien mieux le savoir et organiser son expatriation en conséquence, plutôt que d’essayer de jouer sur les deux tableaux.

Meilleures pratiques pour réussir son expatriation fiscale

Face aux risques, une expatriation fiscale ne s’improvise pas. Voici les meilleures pratiques pour sécuriser votre changement de résidence fiscale et en faire une opportunité plutôt qu’un piège :

  • Planifier longtemps à l’avance et se faire conseiller : Une expatriation fiscale réussie se prépare en amont. Il est recommandé de consulter des experts (avocats fiscalistes, conseillers en mobilité internationale) qui maîtrisent les règles françaises et celles du pays d’accueil. Une planification patrimoniale peut être nécessaire (ex. réorganiser ses sociétés, créer des holdings, utiliser des conventions fiscales avantageuses légalement, etc.). Commencez les démarches plusieurs mois (voire un an) avant la date prévue du déménagement, afin de régler tous les détails fiscaux, juridiques et administratifs.

  • Rupture effective avec la France : C’est le maître-mot. Vous devez organiser un déménagement complet de votre vie vers l’étranger. Concrètement, cela signifie déménager physiquement (idéalement avec famille et effets personnels), vendre ou louer sa résidence en France, clôturer ses comptes bancaires français (ou au minimum transférer l’essentiel de vos avoirs sur des comptes à l’étranger), résilier ses abonnements en France (téléphone, clubs…) ou les basculer dans le pays d’accueil. Pour un chef d’entreprise, cela implique souvent de déléguer la gestion quotidienne de l’activité française à un manager sur place, afin de ne plus piloter directement depuis la France. En somme, il faut que votre centre de gravité personnel et économique bascule réellement vers le nouveau pays.

  • Preuves de résidence à l’étranger : Constituez un dossier solide attestant de votre nouvelle résidence fiscale. Conservez notamment : contrat de bail ou titre de propriété de votre logement à l’étranger, factures d’électricité/eau locales prouvant une occupation régulière, justificatifs de déplacements (billets d’avion, tampons de passeport, relevés télépéage), relevés bancaires faisant apparaître des dépenses du quotidien dans le pays d’accueil, certificat d’inscription des enfants à l’école à l’étranger le cas échéant, attestations d’inscription au registre des Français de l’étranger, etc. En cas de contrôle, pouvoir présenter rapidement un faisceau de documents cohérents (logement, vie de famille, dépenses, activités) dans le pays étranger est déterminant pour convaincre que vous y résidez vraiment.

  • Respecter la règle des 183 jours intelligemment : Bien que ce ne soit pas le seul critère, le temps passé est important. Efforcez-vous de passer moins de 6 mois par an en France, et idéalement beaucoup moins. À l’inverse, passez le plus de temps possible dans votre pays d’accueil (idéalement plus de 183 jours sur place). Tenez un calendrier précis de vos jours de présence dans chaque pays (par exemple via un agenda partagé, ou même en gardant les cartes d’embarquement). En cas de doute, c’est à vous de prouver que vous n’étiez pas en France plus qu’il ne faut. Notez que certains pays exigent eux-mêmes un minimum de présence pour vous considérer comme résident fiscal (ex. les Émirats réclament généralement 183 jours de présence pour délivrer un certificat de résidence fiscale). Ne négligez donc pas cet aspect pratique : être résident, ce n’est pas juste un statut sur le papier, c’est aussi vivre dans le pays.

  • S’aligner sur la convention fiscale applicable : Étudiez en détail la convention fiscale entre la France et le pays choisi, idéalement avec votre conseil fiscal. Vérifiez les critères de tie-breaker qui y sont prévus et assurez-vous de les remplir en faveur du pays d’accueil. Par exemple, si la convention donne la priorité au « centre des intérêts vitaux », assurez-vous que ceux-ci sont clairement hors de France (logement permanent, famille, emploi, etc.). Certaines conventions ont des règles spécifiques (cas de Monaco pour les Français, clause particulière des Émirats jusqu’en 2024, etc.), il faut les connaître pour éviter les faux-pas. Examinez également comment la convention répartit le droit d’imposer les différents revenus : cela vous évitera les mauvaises surprises sur ce qui restera imposable en France (ex : revenus immobiliers français le demeurent généralement). Un avocat spécialisé pourra décrypter ces subtilités pour vous.

  • Obligations administratives locales : N’oubliez pas de vous conformer aux lois du pays d’accueil. Obtenez un permis de résidence ou visa adéquat (visa investisseur, permis de travail, carte de résident, selon les cas). Inscrivez-vous éventuellement auprès des autorités fiscales locales, même si le pays a peu d’impôt, afin d’avoir une existence administrative (par exemple, demandez un certificat de résidence fiscale locale chaque année – c’est souvent nécessaire pour faire valoir la convention fiscale auprès du fisc français). Si vous créez une société sur place, domiciliez-la réellement, avec un bureau et pourquoi pas un employé, afin de lui donner de la substance. Respectez les conditions des régimes fiscaux locaux spéciaux si vous en bénéficiez (par exemple, si l’Italie vous accorde le forfait 100 000 € sur les revenus étrangers, veillez à payer annuellement cette somme et à ne pas avoir d’activité exclue du régime). Le but est de montrer patte blanche aussi bien vis-à-vis du pays d’accueil que de la France.

  • Surveillance des évolutions législatives : Les lois fiscales évoluent. Ce qui est vrai aujourd’hui peut changer dans 5 ans. Tenez-vous informé des réformes en France et dans votre pays d’accueil. Par exemple, le Portugal a récemment supprimé son régime fiscal très favorable des non-habituels fin 2023, ce qui change la donne pour les nouveaux arrivants. De même, la France peut durcir certaines règles (rallonger les durées de contrôle, modifier l’article 4 B, etc.). Rester en veille vous permettra d’anticiper et d’ajuster votre stratégie. Il peut être judicieux de faire régulièrement un audit fiscal de votre situation d’expatrié avec un expert pour s’assurer que tout reste conforme (une sorte de “check-up” annuel).

En appliquant ces bonnes pratiques, vous maximisez vos chances que votre expatriation fiscale soit efficace et pérenne. Une expatriation réussie, c’est celle qui résiste à un contrôle fiscal sans encombre parce qu’elle repose sur une réalité tangible et non un écran de fumée. Cela demande une discipline et un engagement réel à s’implanter ailleurs. Mais à la clef, c’est la sérénité d’esprit et l’optimisation fiscale en toute légalité.

Comparaison des principales juridictions prisées

Lorsqu’ils envisagent un changement de résidence fiscale, les contribuables français fortunés se tournent souvent vers quelques juridictions phares. Chacune présente des attraits fiscaux spécifiques, des conditions de résidence propres et un cadre conventionnel particulier avec la France. Comparons brièvement Dubaï, le Portugal, la Suisse, l’Estonie et l’Italie, cinq destinations actuellement en vogue :

  • Dubaï (Émirats arabes unis)Le mirage doré sans impôt.

    Cet émirat est très attractif en raison de l’absence totale d’impôt sur le revenu des personnes physiques et de taxes sur le patrimoine ou les plus-values. En d’autres termes, un résident de Dubaï ne paie légalement 0% d’impôt sur ses salaires, dividendes, intérêts, plus-values, etc. (hors secteur pétrolier et banque). C’est un atout majeur pour les entrepreneurs du web, influenceurs et rentiers qui peuvent y installer leurs sociétés et encaisser leurs revenus net d’impôt. Dubaï ne prélève qu’une TVA de 5% sur la consommation et quelques taxes indirectes, mais rien sur le revenu. En contrepartie, la condition pour résider est d’obtenir un visa de résident (via un emploi local, la création d’une société, l’achat immobilier ou un visa “nomade digital”). Il n’y a pas de durée minimale de présence inscrite dans la loi fiscale émirienne, mais pour des raisons migratoires, un résident doit en pratique venir aux Émirats au moins tous les 6 mois pour ne pas perdre son visa. De plus, pour être considéré comme résident fiscal aux yeux des conventions, on retient souvent le critère de 183 jours de présence aux EAU. La convention fiscale franco-émirienne (1989) existe et vise à éviter les doubles impositions. Cependant, elle comportait une clause unique qui permettait à la France d’imposer un Français résident des EAU comme s’il restait domicilié en France (ce qui était un cas dérogatoire). Heureusement pour les expatriés, la loi de finances 2025 a corrigé cela en stipulant qu’une personne reconnue résidente des EAU par la convention ne sera plus imposable en France. En clair, Dubaï offre un paradis fiscal potentiel, mais à condition d’y vivre réellement et de pouvoir en apporter la preuve. Le fisc français restera particulièrement attentif aux faux résidents de Dubaï qui auraient gardé des intérêts en France, comme on l’a vu plus haut.

  • PortugalLe rêve ibérique aux avantages en déclin.

    Le Portugal a longtemps été la coqueluche des retraités et freelances européens grâce à son régime des résidents non habituels (RNH) instauré en 2009. Ce régime offrait pendant 10 ans une imposition allégée : taux fixe de 20% seulement sur les revenus du travail pour les nouveaux résidents exerçant une activité à « haute valeur ajoutée » (métiers qualifiés), et exonération de nombreux revenus étrangers (pensions, dividendes, loyers) déjà imposés dans le pays d’origine. Les retraités français pouvaient même toucher leur pension privée en étant totalement exonérés d’impôt pendant plusieurs années (jusqu’en 2019), puis taxés à 10% forfaitaire seulement. Ce régime très favorable a toutefois été remis en cause récemment : le gouvernement portugais a annoncé sa suppression à partir de 2024, y voyant une “injustice fiscale” qui contribuait à la flambée immobilière. Concrètement, les nouveaux expatriés ne pourront plus bénéficier des avantages RNH à partir de 2024, même si ceux déjà entrés dans le régime pourront le conserver jusqu’au terme de leurs 10 ans. En l’absence du RNH, le Portugal redevient un pays à fiscalité “normale” : impôt progressif jusqu’à ~48% sur les revenus, taux de 28% sur les plus-values mobilières, etc., même si le coût de la vie y est plus bas qu’en France. Il n’y a pas d’impôt sur la fortune au Portugal, ce qui reste un avantage. Les conditions de résidence sont classiques : séjourner au moins 183 jours par an au Portugal, ou y avoir au 31 décembre un logement permanent dont on peut disposer (critère de l’habitation permanente). Pour un Français, s’installer est assez simple administrativement (libre circulation dans l’UE). La convention fiscale franco-portugaise évite les doubles impositions. À noter qu’elle attribue désormais le droit d’imposer les retraites privées au Portugal (alors qu’avant 2023, la France conservait ce droit, ce qui permettait l’exonération totale via RNH – cette faille a été fermée). En résumé, le Portugal reste attractif pour son cadre de vie et une fiscalité qui, sans être nulle, peut être optimisée (notamment via le statut de résident non habituel pour ceux qui en bénéficient encore). Mais il n’est plus l’eldorado fiscal d’il y a quelques années, et en tout état de cause, il faut vivre effectivement au Portugal plus de la moitié de l’année pour éviter une requalification (l’exemple de requalification évoqué plus haut le démontre amplement).

  • SuisseLa tradition d’accueil des fortunes, sous conditions.

    La Suisse est depuis longtemps une destination privilégiée pour les contribuables aisés européens en quête de stabilité fiscale. Sa fiscalité est attractive sur plusieurs plans : des taux d’imposition sur le revenu modérés (en comparaison de la France) – l’impôt sur le revenu est cantonal et communal, avec un taux effectif maximal souvent autour de 30-40% dans les cantons attractifs (comme le canton de Vaud, du Valais, de Zoug, etc.), voire moins pour certains (le canton de Zoug affiche un des taux les plus bas). Surtout, la Suisse ne taxe pas les plus-values privées : ainsi, un particulier résident suisse ne paiera pas d’impôt sur la plus-value réalisée lors de la vente de titres ou d’une entreprise, ce qui est un avantage énorme pour les entrepreneurs (attention, les plus-values immobilières, elles, sont taxées par les cantons). Par ailleurs, bien qu’il existe un impôt sur la fortune en Suisse, celui-ci est relativement faible (typiquement entre 0,1% et 1% par an selon les cantons, avec des abattements). La grande singularité est le régime du forfait fiscal (imposition d’après la dépense) : les riches étrangers qui s’installent en Suisse sans y exercer d’activité lucrative peuvent négocier de payer un impôt annuel calculé sur la base de leur train de vie (par exemple un multiple du loyer ou de la valeur locative de leur habitation), indépendamment de leurs revenus mondiaux. Ce régime peut aboutir à des montants forfaitaires d’impôt bien inférieurs à ce qu’ils auraient payé en France, et a attiré nombre de fortunes (artistes, sportifs, rentiers). Néanmoins, ce régime du forfait est réservé aux personnes qui ne travaillent pas en Suisse. Un dirigeant de PME qui s’installerait en Suisse tout en continuant à diriger son entreprise (même à distance) ne pourra pas bénéficier du forfait ; il sera imposé selon le régime ordinaire sur ses revenus. Les conditions de résidence en Suisse pour un Français relèvent de l’accord de libre circulation Suisse-UE : en pratique, il faut obtenir un permis de séjour (permis B) soit en ayant un contrat de travail en Suisse, soit en attestant de ressources suffisantes si inactif. S’installer en Suisse est donc aisé pour un entrepreneur qui créerait une filiale suisse et se salarie dessus, par exemple. Il faudra alors y habiter plus de 183 jours par an pour éviter que la France ne le considère comme résident. La convention fiscale franco-suisse est ancienne et couvre l’essentiel des revenus, évitant les doubles impositions. Elle contient toutefois certaines clauses à connaître : par exemple, la France impose encore les plus-values sur titres réalisées par un ex-résident français parti en Suisse si la cession intervient dans les 5 années suivant le départ (c’est prévu par l’article 13(5) de la convention). Par ailleurs, la Suisse s’aligne sur l’échange automatique de renseignements, donc un exilé fiscal doit se conformer à la transparence. En bref, la Suisse offre un environnement fiscal prédictible et globalement plus doux qu’en France pour les hauts revenus et patrimoines, mais l’optimisation maximale via le forfait n’est envisageable que pour ceux qui renoncent à exercer une activité lucrative sur place. Pour un freelance ou patron de PME, la Suisse reste intéressante (taux d’imposition moindres, cadre de vie sûr), mais il faut effectivement y vivre et éventuellement accepter d’y payer quand même un certain impôt.

  • EstonieLa petite surprise de l’Europe du Nord.

    Ce pays baltique, membre de l’UE, s’est fait un nom grâce à sa fiscalité innovante, idéale pour les entrepreneurs du numérique et les start-ups. L’Estonie applique un impôt sur les sociétés à 20% mais avec une caractéristique unique : il n’est dû que sur les bénéfices distribués. Tant qu’une société estonienne réinvestit ou conserve ses bénéfices, elle ne paie pas d’impôt annuel sur ceux-ci. En pratique, cela signifie qu’une entreprise ou holding en Estonie peut accumuler des profits indéfiniment sans charge fiscale, puis ne subir l’impôt de 20% qu’au moment où elle verse des dividendes à ses actionnaires. Pour un entrepreneur, ce régime équivaut à un taux 0% tant qu’il ne sort pas l’argent de la société, ce qui favorise l’investissement et la croissance. Côté personnes physiques, l’Estonie a un impôt sur le revenu flat de 20% pour tous (quel que soit le niveau de revenu). Les dividendes reçus d’une société estonienne qui a acquitté l’impôt de 20% ne sont pas imposés à nouveau chez l’actionnaire (on évite ainsi la double imposition économique des dividendes). Il n’y a pas d’impôt sur la fortune ni sur les successions. L’Estonie n’est pas un paradis fiscal zéro impôt, mais son modèle simple et modéré attire les travailleurs nomades et entrepreneurs, d’autant plus que l’Estonie offre le programme e-residency (résidence électronique) facilitant la création de société à distance. Attention cependant : l’e-residency n’est qu’un outil administratif et ne confère pas la résidence fiscale. Pour être résident fiscal estonien, il faut soit y avoir son foyer permanent, soit y séjourner au moins 183 jours par an. Un Français peut s’y installer librement grâce à la libre circulation européenne. La convention fiscale franco-estone (1997) est en place pour éviter les doubles impositions, mais avec un schéma classique. Au final, l’Estonie est particulièrement prisée des entrepreneurs web et des freelances IT car elle offre un mélange séduisant de fiscalité basse, de climat pro-business (tout se fait en ligne là-bas) et d’appartenance à l’UE (donc stabilité juridique). Elle n’est pas totalement exonératoire comme Dubaï, mais son taux effectif peut être très bas si on optimise la distribution des revenus (par exemple en se versant un minimum de dividendes taxable à 20% et en capitalisant le reste). Là encore, il faut vivre sur place pour que le montage soit valable aux yeux de la France – un simple statut e-resident et une société estonienne ne suffisent pas du tout si vous restez en réalité en France.

  • ItalieLa Dolce Vita assortie de régimes fiscaux sur mesure.

    Longtemps boudée à cause d’un impôt sur le revenu élevé (taux marginal de 43% au-delà de ~€50k de revenus) et d’une fiscalité compliquée, l’Italie a viré de bord dans les années 2010 en créant plusieurs régimes fiscaux favorables pour attirer les riches étrangers. Aujourd’hui, elle offre trois dispositifs principaux pour les nouveaux arrivants, chacun avec un profil ciblé :

    1. Le régime “non-dom” à imposition forfaitaire – C’est un régime inspiré du système britannique de Resident non-domiciled. Depuis 2017, un individu qui n’a pas été résident fiscal italien 9 des 10 dernières années peut, en s’installant en Italie, opter pour le paiement d’une taxe forfaitaire de €100 000 par an sur l’ensemble de ses revenus de source étrangère, peu importe leur montant. C’est une taxe de substitution qui remplace l’impôt sur le revenu, les impôts sur les plus-values mobilières et les impôts sur la fortune pour tout ce qui vient de l’étranger. En clair, vos salaires, intérêts, dividendes, plus-values réalisées hors d’Italie ne subiront que €100k d’impôt total par an (et €25k en plus par membre de la famille inclus dans le régime). Seule exception notable : la plus-value de cession d’une participation substantielle (>25% non coté) dans les 5 premières années en Italie, qui reste imposable normalement. Ce régime peut durer jusqu’à 15 ans. Il est particulièrement attractif pour les chefs d’entreprise ayant vendu leur société, les rentiers et les sportifs internationaux. L’Italie a déjà séduit ainsi des centaines de HNWI (High Net Worth Individuals) grâce à ce forfait. En contrepartie, il faut bien sûr vivre en Italie et devenir résident fiscal italien. Notons qu’on ne peut cumuler ce régime avec les deux autres spéciaux italiens. Par ailleurs, la France considère ce forfait comme un impôt payé en Italie, donc l’application de la convention fiscale franco-italienne est un peu particulière : la France ne vous imposera pas en double, mais ne donnera pas non plus de crédit d’impôt au-delà de l’impôt forfaitaire (détail technique à voir avec un expert).

    2. Le régime des “impatriés” (travailleurs expatriés en Italie) – Pour les personnes venant travailler en Italie, un régime incitatif existe (récemment renforcé). Jusqu’à fin 2023, il permettait d’exonérer 70% du revenu du travail pendant 5 ans (porté à 90% pour une installation dans le sud de l’Italie). Le nouveau régime 2024 a été resserré : il faut ne pas avoir été résident en Italie pendant au moins 2 à 6 années (selon les cas), venir exercer une activité salariée ou indépendante en Italie, et on bénéficie alors d’une exonération de 50% du revenu imposable sur 5 ans, prorogeable 5 ans de plus si certaines conditions familiales ou d’achat immobilier sont remplies. En somme, seule la moitié (ou moins) du salaire est taxée. Ce régime s’adresse aux cadres, chercheurs, professionnels qualifiés et entrepreneurs qui déplacent leur activité en Italie. Il a vocation à compenser le taux marginal élevé de 43% en réduisant drastiquement l’assiette. Par exemple, un freelance IT s’installant à Milan pourrait n’être imposé que sur 30% de ses revenus pendant 5 ans si éligible (au lieu de 100%). Ce régime ne se cumule pas avec le forfait €100k (il faut choisir l’un ou l’autre). Il est très intéressant si la majorité des revenus seront générés en Italie (salaire, cachets, etc.). Pour en bénéficier, il faut bien entendu devenir résident fiscal italien et y travailler effectivement.

    3. Le régime des retraités à 7% – Pour compléter le panorama, l’Italie propose aux retraités étrangers qui s’installent dans certaines communes du sud (zones rurales ou villes de moins de 20k habitants dans des régions comme la Sicile, la Calabre, les Pouilles…) une imposition forfaitaire de 7% seulement sur tous leurs revenus de source étrangère (notamment les pensions de retraite) pendant 10 ans. Ce régime vise à attirer des seniors aisés dans des zones peu peuplées. Il ne concerne pas directement les freelances et dirigeants en activité, mais mérite d’être mentionné pour ceux qui pensent à la retraite future. Là encore, il ne faut pas avoir été résident en Italie récemment et il faut s’installer dans une commune éligible.

En plus de ces régimes, la fiscalité ordinaire italienne prévoit un impôt progressif, un impôt local, une flat tax de 26% sur la plupart des revenus du capital (dividendes, intérêts, plus-values mobilières) et deux petites taxes annuelles sur les avoirs financiers détenus à l’étranger (0,2% sur les comptes et valeurs mobilières – IVAFE – et 0,76% sur les immeubles à l’étranger – IVIE). Ces dernières sont justement neutralisées par le forfait €100k. Sur les successions et donations, l’Italie a aussi des taux bien plus bas qu’en France (4% en ligne directe au-delà d’un abattement de €1M par héritier). Les conditions de résidence en Italie ne sont pas compliquées pour un Français (libre installation, nécessité de s’enregistrer et d’obtenir un codice fiscale, etc.). La convention fiscale franco-italienne est classique et la coopération entre fisc français et italien est bonne. Il faut cependant veiller à la substance : l’Italie elle-même, via sa législation anti-abus, exige que le déménagement ait une substance économique réelle et pas pour motif fiscal principal. Donc même accueillante, l’Italie attend de l’expatrié qu’il participe réellement à son économie (consommer, investir, vivre sur place). Si ces conditions sont remplies, l’Italie peut être un excellent choix combinant une qualité de vie élevée et des avantages fiscaux conséquents pour les nouveaux résidents.

Conclusion

Le changement de résidence fiscale est une arme à double tranchant. Bien utilisé, il peut permettre une optimisation fiscale substantielle tout en offrant de nouvelles opportunités de vie et d’affaires à l’international. Mal maîtrisé, il se transforme en piège redoutable : redressements financiers, litiges interminables et stress juridique. La clé du succès réside dans la transparence et la cohérence de la démarche. Il faut aborder l’expatriation fiscale comme un projet de vie global, et non comme un simple montage pour éluder l’impôt. En s’informant sur le cadre juridique français, en respectant scrupuleusement les critères de résidence, en prenant conseil auprès de professionnels et en s’implantant réellement dans le pays choisi, un freelance ou un dirigeant peut légitimement tirer parti des avantages offerts par d’autres juridictions. Ce dossier a montré que l’expatriation fiscale peut être une stratégie puissante – mais seulement au prix d’une exécution sans faille. A vous de jouer le jeu correctement, pour que l’opportunité ne se change pas en piège. En cas de doute, mieux vaut faire preuve de prudence et de transparence vis-à-vis du fisc que risquer sa tranquillité pour quelques points de pourcentage d’impôt. En définitive, une expatriation fiscale réussie, c’est d’abord une expatriation sincère et assumée – le bonus fiscal n’en sera que la juste récompense.

Chez Legal Growth, j'aide les entrepreneurs et chefs d'entreprise à décider du meilleur choix de résidence fiscale et les accompagne tout au long du processus d'expatriation. 

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